Peindre le souffle de vie. Zao Wou-Ki

imgres-8Zao Wou-Ki, né en Chine en 1920 d’une grande famille de lettrés, est décédé en 2013 à Nyon, France. En 1948,  il décide d’aller vers l’Occident et de s’installer en France. C’est là qu’il fera carrière. Au fil des rencontres et des ans, il y trouve son inspiration et son oeuvre entière constitue une synthèse subtile et magistrale de l’Orient et de l’Occident. Inspiré par la tradition chinoise de la calligraphie, du vide et du plein, Zao Wou-ki cherche à peindre tant le vide, le silence que le souffle de vie qui imprègne toute chose. Par la couleur, il cherche à toucher l’infini. Toujours, il cherche cet équilibre entre vide et plein. Henri Michaux écrira concernant les lavis de Zao Wou-ki: « Il avait trouvé le moyen de peindre le souffle des nuages. » Claude Roy voyait en lui « un modèle de recherche de l’harmonie entre l’Orient et l’Occident ». Zao Wou-ki partage son parcours avec François Cheng et tous deux se lieront d’amitié: de l’Orient vers l’Occident, de la Chine vers la France. Une même compréhension de l’art, de la poésie, de la calligraphie. Zao Wou-ki en parlera en ces mots: « Je ne puis m’empêcher de croire que nous avons partagé les mêmes errances  et les mêmes reconquêtes dans la recherche de la fusion de ces deux cultures. »  in Zao Wou-ki, Françoise Marquet. Autoportrait. Fayard.1988

« Légèreté de l’espace, fusion des couleurs, turbulences des formes qui se disputent la place du vide, masses qui s’affrontent comme mes angoisses et mes peurs, silence du blanc, sérénité du bleu, désespoir du violet et de l’orange; je ne crains pas de vieillir ni de mourir car, tant que je saurai me servir d’un pinceau ou d’un tube de couleur, il ne pourra rien m’arriver. » idem p. 15

De l’analogie entre poésie et peinture, il dira : » (en poésie) …on bute sur un point et c’est un merveilleux moment de silence, comme un morceau de vide dans le tableau. » idem p. 80

« Je voulais peindre ce qui ne se voit pas, le souffle de la vie, le vent, le mouvement, la vie des formes, l’éclosion des couleurs et leur fusion. » idem p. 117

« Ma peinture devint affective car j’y affichais sans pudeur sentiments et états d’âme. (…) Je fus débarrassé de l’idée de couleurs préférées: elles se valaient toutes et leur qualité dépendait des combinaisons que je leur imposais. » idem p. 119

« Je peins ma propre vie mais je cherche aussi à peindre un espace invisible, celui du rêve, d’un lieu où on se sent toujours en harmonie, même dans des formes agitées de forces contraires. » idem p. 158

« Par moments, je peignais le silence. » idem p. 168.
IMG_3281

Et de ses souvenirs du Lac de l’Ouest à HangZhou, il dira  » Je préfère la surface presque immobile des lacs, qui dissimule le mystère et fait naître l’infini variété des couleurs… Chaque jour  de mon adolescence, j’en ai parcouru des milliers de fois les rives à pied, sans jamais me lasser, absorbé par le spectacle d’une nature perpétuellement changeante selon les heures de la journée et l’alternance des saisons…. Je me posais toujours les mêmes questions: comment représenter le vent? comment peindre le vide? et la lumière, sa clrté, sa pureté? Je ne voulais pas représenter mais juxtaposer des formes, les assembler pour qu’on y retrouvât le souffle de l’air sur le calme de l’eau. »

 

Claude Roy dira de son ami Zao Wou-Ki: « Mais Zao-le-peintre ne s’arrête pas, il ne s’arrête jamais d’aller et venir de chaque côté du seuil, de passer et de repasser la porte qui conduit de l’intérieur à l’extérieur, d’essayer, avec des images,d’accomplir une « grande peinture sans image ». Il poursuit cette quêtequi est celle de beaucoup de créateurs de notre temps, la recherche de la littérature sans littérature, (…) des paroles sans paroles, des images sans images, la poursuite de ce regard qui voit ce que les regards ne voient pas, de ce mot qui dit ce que les mots ne prononcent pas. Poursuite dont les victoires ne sont jamais que les brefs entre-deux d’une infinie défaite , parce que nous sommes au monde, et que c’est à travers la nature, les images, la parole et notre corps que nous pouvons seulement entrevoir cette autre chose qu’en ce moment Zao Wou-Ki cherche à saisir et exprimer, cette autre chose qui n’existe peut-être pas, mais à quoi certains moments suspendus entre le voir et le non-voir, entre le silence et le souffle, entre la vie et la mort nous incitent à croire. »

(…) il s’accorde à cette part de nous qui continue contre vents et marées (…) à croire à la beauté possible du monde, à un accord parfait entre ce qu’il y a de plus secret et de meilleur en nous, et ce qui peut fleurir à la surface des eaux, à la clarté du ciel… »
in Claude Roy, Zao Wou-Ki. Le musée de poche 1970 p. 73-74

 

Zao Wou-ki dans son atelier

Voir aussi le site de la Fondation Zao Wou-ki

 

Quelques références:

Dominique de Villepin. Zao Wou-Ki 1935-2008. Flammarion, 2009

Zao Wou-Ki. Peintures, oeuvres sur papier, céramiques 1947-2007. Somogy Éditions d’art. Paris 2007.

Daniel Abadie. Zao Wou-Ki. Hommage à Riopelle et peintures récentes. Musée national des Beaux-Arts du Québec. 2008