Une oeuvre entre source et nuage. François Cheng
Calligraphie ci-dessus: Esprit divin. État suprême du souffle. Gauche: clé du rite ou du sacré/Droite: courbe incarne le mouvement concentrique en extension/Trait vertical: traverse le tout et relie le haut et le bas, la manière chinoise de suggérer l’union de l’immanence et de la transcendance (texte et calligraphie de F.Cheng in Et le souffle devient signe p. 123).
L’oeuvre entière de François Cheng calligraphe, poète, historien d’art est portée par ce souffle créateur, puissant et subtil qui nous laisse éblouis devant ces fulgurances qu’il nous permet d’entrevoir, il nous mène là où le coeur respire : « Être humble assez pour entendre l’impalpable/Dévoiler l’indicible, épouser l’inouï….Et pulvériser l’absurde.»
Pour le calligraphe: « Au moyen d’un menu pinceau, recréer le corps immense du Vide. » » L’artiste cherche à rejoindre l’immense par l’infime et à donner par là une présence à l’invisible. (…) Écouter par l’oreille du Souffle ainsi il participera au processus de la transformation universelle. A l’instar de ceux qui ont atteint la vacuité du cœur, il entrera en résonance avec la pulsation du monde. »
La calligraphie s’apparentait à une musique du geste. Pour un chinois le papier est un espace vital (in François Cheng. Et le souffle devient signe)
… l’historien de l’art: « Tout tableau chinois, relevant d’une peinture non naturaliste mais spiritualiste, est à contempler comme un paysage de l’âme » (Cinq méditations sur la beauté, p. 103)
… le romancier : « Ma musique, à présent, est plus proche de la résonance de l’âme. (…) Le chant le plus authentique est plus qu’un produit maîtrisé par l’esprit; il jaillit bien de l’âme. La grande affaire pour un artiste, j’en suis persuadé maintenant, c’est d’entendre et de donner à entendre l’âme qui l’habite et qui résonne de fait à l’âme cachée de l’univers. (Quand reviennent les âmes errantes, p. 46)
… l’essayiste et philosophe : « L’âme est la « basse continue » de chaque être, et à certains moments d’émotions ou d’éveil, elle se fait entendre. Se faire entendre ou résonner, c’est sa manière d’être. Résonner, voilà le mot juste. Résonner en soi, résonner à la « basse continue d’un autre, résonner à la « basse continue » de l’univers vivant, c’est sa chance d’être immortelle. (Méditations sur la beauté p. 71)
Profondément Taoïste, il s’en rapporte à Chuang-tzu: « N’écoute pas par tes oreilles, mais par ton esprit ; n’écoute pas par ton esprit, mais par ton souffle. Les oreilles, se bornent à écouter ; l’esprit se borne à se représenter. Le souffle qui est le Vide peut seul s’approprier les objets extérieurs. C’est sur le Vide que se fixe le Tao… Du Vide de l’esprit jaillit la lumière ; là se trouve le salut de l’Homme. Celui en qui le salut n’est pas s’appelle un Errant assis. Celui qui convertit l’ouïe et la vue en une compréhension intérieure et qui délaisse l’intelligence et ses connaissances, les mânes et les esprits le visiteront. C’est tout cela qui constitue le secret de la Tranformation. »